Les camions continueront de circuler sur la rocade d’Avignon. Dans un courrier en date du 7 novembre, Thierry Suquet, le préfet du Vaucluse, va à l’encontre du projet de Cécile Helle d’interdire la circulation des poids lourds sur la rocade d’Avignon. Il annonce avoir pris un avis défavorable en l’état au projet d’arrêté de la mairie d’Avignon.
Maintien des camions sur la rocade d’Avignon : le préfet s’explique
Thierry Suquet motive sa décision par trois arguments :
- Il rappelle l’obligation de « tenir compte de la vocation des routes à grande circulation, qui assurent la desserte économique du territoire ».
- Il insiste sur la nécessité de « garantir un accès fluide à la zone d’activités de Courtine et au terminal de Champfleury. Ce terminal figure parmi les premiers sites français de transport combiné rail/route, contribuant significativement à l’approvisionnement de l’agglomération avignonnaise et à l’économie locale, notamment en offrant des débouchés aux productions agricoles du Vaucluse et du nord des Bouches-du-Rhône. De plus, le développement du transport combiné est une politique publique environnementale portée par l’État ».
- Le préfet de Vaucluse explique également qu’une fermeture de la rocade d’Avignon aux camions aurait engendré un report de leur circulation dans le nord du département des Bouches-du-Rhône.
Rocade d’Avignon : le préfet appelle à la concertation
Thierry Suquet « invite l’ensemble des parties prenantes à poursuivre la concertation afin de parvenir à un compromis acceptable pour tous ». Dans plusieurs lettres ouvertes, les représentants des entreprises de transport et du monde économique s’opposaient à ce projet. Ils dénonçaient le manque de concertation avec la mairie.
Le préfet de Vaucluse souligne que la réalisation de la tranche 2 de la liaison Est-Ouest de contournement d’Avignon « est la solution qui permettrait de concilier la protection des populations exposées à la pollution, la préservation de l’activité économique, et la desserte à longue distance des pôles économiques ».
Rocade d’Avignon : le courrier du préfet à Cécile Helle
Madame la maire d’Avignon
Par courrier reçu le 21 octobre dernier, vous avez, conformément aux dispositions de l’article R. 411-8 du code de la route, sollicité mon avis concernant votre projet d’arrêté municipal relatif à la limitation à titre expérimental pour une durée d’un an, de la circulation des poids lourds de plus de 38 tonnes sur la rocade Charles De Gaulle, sur la section comprise entre le carrefour avec l’avenue de Tarascon et le carrefour avec l’avenue Pierre-Sémard, sur une plage horaire de 7 h à 19 h, 7 jours sur 7.
Votre projet d’arrêté est motivé d’une part par le souci de réduire l’exposition des habitants à la pollution atmosphérique et au bruit, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les zones concernées par le nouveau programme de renouvellement urbain, et d’autre part par la volonté de réduire la dangerosité de la rocade Charles-de-Gaulle.
J’observe que vous avez produit des études de gestion du trafic utilisant des données du CEREMA recueillies en 2019 pour considérer que la limitation de la circulation envisagée réduirait l’exposition aux nuisances précitées de près de 17 000 habitants vivant à moins de 300 mètres de l’axe, ces mêmes études estimant à 2 700 le nombre d’habitants demeurant dans les communes limitrophes des Bouches-du-Rhône susceptibles, dans le même temps, d’être exposés à ces mêmes nuisances du fait des reports de trafic.
Je partage vos préoccupations quant à la protection de l’environnement et de la santé des Avignonnais et aux conditions de circulation sur la commune d’Avignon. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’accompagner la concertation avec les différents acteurs du territoire, à la suite des groupes de travail engagés depuis 2021.
Je relève en premier lieu que les données du CEREMA sur lesquelles se fonde votre projet d’arrêté datent d’environ cinq ans et n’ont pas été actualisées. Les partenaires et notamment le Département des Bouches-du-Rhône considèrent que de ce fait elles ne peuvent être valablement prises en compte.
Votre projet d’arrêté précise dans son article 4 les itinéraires de déviation. Selon les études, les reports de flux de transit se feraient majoritairement, s’agissant d’itinéraires de longue distance, sur le triangle A7, A9, A54 et, dans une moindre mesure, sur les principales voies structurantes à l’intérieur de ce triangle (RN 100, RD 100, RD 6100) dans le Gard, les RD 225, 907 et 1007 dans le Vaucluse et les RD 570, 28 et 34 dans les Bouches-du-Rhône. Les reports de circulation sur le réseau routier national (LEO, RN 100, RN 580) seraient réduits.
S’agissant de la desserte locale, les itinéraires de courte distance emprunteraient le pont de Rognonas, les RD 571 et 28 dans les Bouches-du-Rhône, le pont de Bonpas et la RD 907 dans le Vaucluse.
J’observe que les itinéraires de déviation ne manqueront pas d’entraîner sur les axes routiers du nord du département des Bouches-du-Rhône une dégradation des conditions de sécurité routière et de fluidité du trafic ainsi que l’émergence de nuisances environnementales, notamment pour les riverains.
En effet, l’augmentation de trafic sur les communes de Châteaurenard, Noves et Eyragues est estimée à 241 poids lourds de plus de 38 tonnes par jour supplémentaires sur l’axe de la RD 28 qui supporte déjà un trafic de plus de 20 000 véhicules par jour.
Ces mêmes axes se trouveraient impactés par les reports de circulation en raison de la fermeture prévue du pont de Rognonas, aux poids lourds d’un PTAC supérieur à 26T qui aura pour conséquence inévitable une aggravation particulièrement importante d’une situation déjà très dégradée par la fermeture du segment de la rocade avec des risques de congestion routière, d’allongement des parcours, de difficultés de desserte des zones économiques et d’atteintes à l’environnement qu’il n’est pas possible pour le moment de chiffrer de manière définitive.
Je suggère à cet égard qu’avant toute mise en œuvre de votre projet d’arrêté, l’impact d’une telle fermeture sur la rocade soit mesuré.
En outre, la mise en œuvre de l’arrêté repose en partie sur la disponibilité et la fluidité de l’itinéraire de substitution technique (volet A10_T10 – Avignon – Coupure Charles-de-Gaulle « 3 » entre la route de Tarascon et la route de Marseille) identifié dans le plan de gestion du trafic du département de Vaucluse.
Si cet itinéraire venait à être congestionné ou non opérationnel, la capacité à assurer une déviation efficace serait compromise. Or, il n’existe aucune garantie technique et opérationnelle sur la capacité réelle de cet itinéraire à absorber les flux déviés.
Je constate par ailleurs que vous n’envisagez pas d’exonérer la desserte locale de la limitation de circulation des poids lourds de plus de 38 tonnes. Or, les services de l’État ont, depuis le début des réflexions sur le projet de limitation de la circulation des poids lourds sur la rocade, appelé votre attention sur ce point, ce que j’ai personnellement exprimée auprès de vous dès avril 2025, concernant l’accès au terminal de Champfleury.
En effet, la limitation de circulation a un impact sur la desserte de la zone d’activités de Courtine et le terminal de transport combiné de Champfleury, qui est en volume un des premiers sites de transport combiné français rail/route avec environ 90 000 unités de transport intermodales (UTI) et figure à ce titre au réseau trans-européen de transport.
Ce terminal contribue de surcroît de manière significative à l’approvisionnement de l’agglomération avignonnaise et à l’économie locale en offrant des débouchés aux productions agricoles du Vaucluse et du nord des Bouches-du-Rhône.
En outre le développement du transport combiné, qui constitue un mode de transport respectueux de l’environnement, est une politique publique portée par l’État. Les alternatives possibles pour desservir le terminal de Champfleury et la ZAI de Courtine depuis notamment les zones d’activités de Fontcouverte, du Plan d’Entraigues-sur-la-Sorgue et d’Agroparc, toutes situées sur le territoire de la ville d’Avignon ou dans sa proximité immédiate, présentent un allongement des parcours et des surcoûts significatifs.
En effet, depuis le nord d’Avignon, et notamment la ZAC du Plan à Entraigues-sur- la-Sorgue, le parcours actuel d’environ 18 km se trouvera, selon les itinéraires de déviation, allongé d’environ 33 km par le sud et 56 km par le nord, et comportera une section à péage.
L’itinéraire depuis la zone d’Agroparc, sera, selon les nouvelles modalités, d’une durée de 25 km, contre 12 km environ aujourd’hui.
Enfin le parcours depuis la zone de Fontcouverte pour rejoindre le terminal de Champfleury, actuellement de 7,5 km sera désormais de 27 km environ.
Ces allongements de temps de parcours, de distance et de coûts, conjugués à la plage horaire très étendue d’interdiction auront un impact négatif majeur sur l’activité économique de la zone avignonnaise, en rendant très difficile, voire quasiment impossible l’accès au terminal de Champfleury, et à la zone d’activité industrielle de Courtine depuis les zones d’activité proches.
L’allongement des parcours aura également pour effet d’augmenter les émissions de particules fines et, de fait, l’empreinte carbone, de manière significative pour chaque transport effectué.
Le projet d’arrêté pénalisera également les flux de transit. Les itinéraires de déviation par le triangle autoroutier présentent un allongement des parcours supérieur à 60 km et, de ce fait, une augmentation significative des durées de transport, ainsi qu’un surcoût lié aux péages.
Dans ces conditions, il est permis de penser que le report attendu sur le réseau autoroutier prévu par le projet d’arrêté ne sera pas assuré. Un tel report, s’il se vérifiait, aurait pour effet de créer une congestion à Orange du fait de l’absence de jonction entre l’A7 et l’A9.
Enfin, un tel allongement nuirait à l’activité de pôles économiques stratégiques d’envergure régionale, voire nationale, tels que les plates-formes logistiques de Clésud, Bois-de-Leuze et le pôle de Fos-sur-Mer.
A cet égard, les fédérations professionnelles et les acteurs économiques du territoire vous ont fait part de leur préoccupation quant aux effets négatifs du projet d’arrêté sur leur activité, en faisant notamment valoir les difficultés d’accès au terminal de Courtine alors que de nombreux acteurs économiques s’inscrivent dans la valorisation du transport combiné avec la prise en charge de 450 camions par jour et que les zones d’activités situées autour du terminal de Courtine subissent d’ores et déjà des retards de livraison qui seraient aggravés par la restriction de circulation envisagée. Les entreprises de la zone se trouveraient confrontées à une série de surcoûts qui seraient de nature à nuire à leur compétitivité.
S’agissant de la mise en œuvre de votre projet d’arrêté, il n’est pas établi que les zones de stockage temporaire prévues suffiraient à résorber le stationnement temporaire des poids lourds concernés dans des conditions de sécurité suffisantes.
En outre, ainsi que vos services l’ont exposé lors des réunions de concertation, une signalisation en amont de la zone réglementée est indispensable afin d’assurer le bon écoulement du trafic par les itinéraires de déviation. Or l’opposition de l’ensemble des gestionnaires de voirie à accepter la mise en place sur leur domaine de cette signalisation ne permet pas le déploiement du dispositif tel que prévu.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, de la nécessité de préserver la capacité de la rocade Charles-de-Gaulle à assurer son rôle de route à grande circulation tel que défini par l’article L110-3 du code de la route et notamment la desserte économique du territoire, ainsi que des gains attendus, je ne peux que formuler un avis défavorable en l’état au projet d’arrêté que vous m’avez soumis.
Je souhaite rappeler que la réalisation du deuxième volet de la LEO permettait de concilier les objectifs de protection des populations exposées à la pollution, la préservation de l’activité économique du bassin de vie avignonnais ainsi que la desserte à plus longue distance des pôles économiques situés dans les Bouches-du-Rhône.
La proposition faite lors du COPIL de mai 2025 par les services de l’État d’engager une concertation avec l’ensemble des partenaires sur un réaménagement d’un boulevard urbain sur le tracé de la LEO en lieu et place de l’axe routier initialement prévu afin de prendre en compte vos observations, n’a pas recueilli l’accord du Grand Avignon ni le vôtre.
Par ailleurs, la fiche action du plan de protection de l’atmosphère du bassin de vie d’Avignon, qui ne revêt pas de caractère prescriptif, ne peut fonder à elle seule la restriction de circulation telle qu’elle est envisagée.
Je souhaite néanmoins vous redire la volonté des services de l’État de poursuivre la concertation avec l’ensemble des partenaires concernés afin de dégager une solution acceptable par tous.





0 commentaires